Les femmes de Leers

Suzanne Delavallée (1892-1966)
Suzanne Delavallée

Suzanne Delavallée est née à Blicquy en Belgique le 22 janvier 1892, fille de Désiré Oscar Delavallée et de Marie Louise Coupé, elle vécut de nombreuses années à Leers au 4, rue de Lys.

Elle est décédée le 24 mars 1966 à Sallaumines dans le Pas de Calais

Collaboratrice bénévole du 2ème Bureau de Lille depuis le début de la deuxième guerre mondiale, jusqu’à l’occupation allemande, elle fut arrêtée le 20 novembre,1940 et emmenée à Bruxelles, Prison St Gilles où elle est restée un mois.

De là, deux officiers la conduisirent à Aix-la-Chapelle où elle est restais trois jours, puis elle partit en transport pour Cologne. Après une nouvelle étape elle arriva à Hambourg où elle resta un an.

Dans une cellule individuelle, Suzanne Delavallée subissait des interrogatoires. Pendant cette période elle n’avait alors le droit de parler à aucune détenue, ni même de regarder aucune détenue. Cette vie était devenue insupportable, au point que le médecin de la prison, constatant son état de santé, fit un rapport signalant qu’elle ne pouvait plus supporter le régime de la cellule. Ce rapport n’eût d’ailleurs aucune suite.

A la fin de décembre I94I, Suzanne Delavallée arriva à Ravensbruck. Elle fut logée avec 35 camarades dans une petite cave sans lumière. Elle est restée dans cette cave pendant plusieurs jours. Puis eurent lieu les formalités assez nombreuses pour toutes les détenues qui venaient d’arriver au camp. Le matricule 8396 fut attribué à Suzanne Delavallée, et elle entra dans un bloc portant N°I6. Elle était la première Française qui arrivait au camp, occupé jusqu’alors par des Allemandes et des Polonaises.

En 1943, elle se porta volontaire pour faire la récolte de pommes de terre, de betteraves et de rutabagas. Ce travail était pénible mais c’était l’occasion pour Suzanne Delavallée de quitter le camp le matin jusqu’au soir.

Début janvier I945, les femmes d’un certain âge moins aptes au travail et devenues des « bouches inutiles »,furent envoyées dans un camp de jeunesse. Les chefs de Blocs, polonaises pour la plupart, avaient à désigner chacune une cinquantaine de femmes pour ces camps de jeunesse. Suzanne Delavallée était en tête la liste.

Plusieurs fois les femmes devaient se grouper et des médecins venaient trier d’une part les valides encore aptes au travail et les autres qui devaient être gazées.

Suzanne Delavallée connaissait quelques mots d’allemand et eut l’idée de s’avancer vers l’un des médecins pour lui dire qu’elle était encore bien portante. Après une minute d’hésitation, et pris au dépourvu il lui dit « C’est bien, rentrez au bloc ».

C’est ainsi que Suzanne Delavallée fut la seule sauvée parmi plusieurs centaines d’autres prisonnières.

Récit réalisé à partir des écrits de Suzanne Delavallée


Cotteaux Alice, Eudoxie, Marie, Céline, Mélanie (1862-1953)
Alice Cotteaux

C’est à Mauroy dans le canton du Cateau que naquit Alice Cotteaux. Fille de Désiré Cotteaux, principal clerc de notaire et de Céline Bracq.

Elle est décédée le 4 janvier 1953 à Leers.

Alice Cotteaux débuta dans l’enseignement public comme stagiaire à l’école de la rue Solférino à Lille, puis institutrice adjointe à l’école de la rue Léonard-Danel au 1er octobre 1881.

Le 1er octobre 1901, elle est nommée au poste de directrice d’école à Leers. A cette époque l’école ne comptait que 2 classes, le 16 février 1903, elle obtint la nomination d’une 2ème adjointe et l’ouverture d’une 3ème classe. Le 1er octobre 1904 une 4ème classe est créée puis une 5ème le 1er octobre 1919. Cette dernière fut supprimée à son départ en 1928.

Ses débuts à la direction de l’école publique de Leers furent très mouvementés du fait qu’elle se heurta à une municipalité hostile.

Pédagogue de valeur, elle forma d’excellents élèves et plusieurs générations lui doivent aujourd’hui leur éducation.

Elle joua un grand rôle dans la vie des amicales laïques et en 1921 fut à la création de la section gymnastique « La Féminine ».

Elle s’occupa aussi d’œuvre scolaire et post-scolaire. Son dévouement à la cause de l’enseignement lui valurent de nombreuses médailles

En 1974, la municipalité décida la construction d’une école maternelle et lui donna le nom d’Alice Cotteaux.


Hasbroucq Raymonde née Rolland (1905-2001)

Voici la vie toute simple d’une Leersoise qui fut une figure de la commune par son engagement dans la vie associative.

Fille de Rolland Eloïs et de Julienne-Marie Janssens, Raymonde, elle est née en 1905.

Confectionneuse chez Herbaut Denneulin, confectionneur pour hommes à Roubaix, Raymonde Rolland arrive à Leers en 1925, à l’âge de 20 ans. Elle épouse Eugène Hasbroucq, un imprimeur leersois, le 30 mars 1929. Ensemble, ils fondent en 1935, un magasin « Presse et Imprimerie » situé rue de la Mairie, aujourd’hui rue du Général de Gaulle.

Raymonde Hasbroucq

En 1938, ils transfèrent leur magasin rue Thiers, maintenant rue des Patriotes.

Son mari , parti à la guerre, est fait prisonnier. Elle doit alors faire face seule, pendant 5 années, à toutes les charges du magasin.

Femme d’exception, Madame Hasbroucq n’hésitait pas à recevoir les réfractaires du quartier dans son arrière-boutique et, pendant qu’ils jouaient aux cartes, elle leur préparait des « tartes à gros bords ».

Après avoir tenu ce magasin pendant 53 ans, elle se retire pour un repos bien mérité, à l’âge de 83 ans. Elle fut, en 1942. fondatrice de la troupe théâtrale «La Cécilienne» dont le premier concert fut donné pour «le colis du prisonnier». A la tête de « La Cécilienne » elle offre en 1953, un repas aux anciens de la commune pour fêter le 10ème anniversaire de la troupe. Ce repas sera reconduit 11 années de suite.

Madame Hasbroucq n’a cessé de se dépenser sans compter, toujours bénévolement. Elle allait de quartier en quartier à la tête de son groupe.

Au bout de 45 années, pendant lesquelles elle dirigea sa troupe de main de maître, elle se retira après une dernière représentation le 28 mars 1987, elle avait 82 ans.

Elle fut aussi présidente de la chorale paroissiale où elle débuta en 1942.

En 1970, l’évêché lui a octroyé la Croix du Mérite diocésain, en récompense de son dévouement à « La Cécilienne ».

Le 15 octobre 1970, elle reçoit la Médaille des Réfractaires et Maquisards. Elle reçoit aussi la Médaille des Anciens Combattants et Prisonniers de Guerre 1939/1945.

En mars 1982, Monsieur Demonchaux, Maire de Leers, lui décerne la Médaille d’Honneur de la Ville.

Madame Raymonde Hasbroucq nous a quittés le 24 octobre 2001, dans sa 97ème année.


Bourgois Flore (1883-1949)
Flore Bourgois

Flore-Marie Bourgois est née à Leers le 2 mars 1883, fille de Henry Bourgois et de Sabine Malfait, elle fréquente l’école de Leers et obtient, dès l’âge de onze ans, les deux certificats.

Ses parents tenaient un commerce d’épicerie, rue d’Audenarde (actuellement rue Victor Hugo).

A leur mort, avant la guerre de 1914, elle reprend le commerce et s’occupe avec la plus grande attention de son plus jeune frère Denis, né en 1893, de santé délicate.

Flore Bourgois avait trois autres frères, Edouard-Prosper, Arthur et Oscar. Dès les premiers jours de la guerre 1914-1918, Flore Bourgois qui tenait boutique à la première maison de l’actuelle rangée de la Haverie, rue Victor Hugo, rédige avec spontanéité et minutie, jour après jour, sur quatre cahiers d’écolier, le récit des événements qui ont traversé la période de la première guerre mondiale.

Ses expériences, ses angoisses, le départ pour le combat de ses trois frères aînés, l’occupation allemande, les réquisitions, la vie quotidienne des Leersois durant toute cette période. Le départ, puis la mort de son jeune frère Denis, tué au combat début de 1916, fut pour elle une tragédie.

Pendant de nombreuses années, elle a soigneusement conservé ses précieux cahiers dans un carton rangé au fond de son grenier, puis un jour, elle les a ressortis pour les montrer à ses enfants mais ils étaient encore trop jeunes pour comprendre les motifs qui l’avaient poussée à les écrire.

Flore Bourgois a épousé en 1921, Jules Merchez, un colombophile qu’elle avait connu pendant la guerre et qui avait pris soin des pigeons de Denis. Le couple a eu deux enfants Denis et Thérèse. Flore est décédée en 1949 et son mari en 1969.

Les quatre cahiers qu’elle a écrits au cours de cette longue période dramatique ont été, avec l’accord de ses enfants, publiés par l’Association « Leers Historique ».

Episodes de la guerre 1914, par Flore Bourgois, Dépôt légal novembre 1998.


Renaud Clémence (1902-1983)
Clémence Renaud

Fille d’Emile Joseph, peintre et de Sophie Renard, Clémence Renaud est née à Leers le 15 avril 1902.

Ses parents demeuraient au 18, rue Gambetta près de la place.

Clémence Renaud fréquente l’école Jeanne d’Arc à Leers. Elle n’a que 12 ans à la déclaration de guerre en 1914 et c’est probablement sous l’inspiration de sa mère qu’elle entreprend la rédaction des événements qui ont marqué la vie quotidienne de cette petite commune tout au long de ce conflit mondial sur un petit cahier d’écolier.

De format 15 x 20 cm, à couverture entoilée bleue, rédigé à l’encre noire de façon bien lisible, occupe 80 pages et retrace de façon continue, les événements survenus à Leers entre le dimanche 2 août 1914 et le mois de janvier 1917. Il fait partie d’un ensemble de deux, voire peut-être trois cahiers, dont seul le premier nous est parvenu.

Il fut retrouvé par son fils Robert Anselmet, dans le grenier d’une petite maison qu’elle habitait impasse Dupire rue des Patriotes.

C’est à travers les yeux d’une jeune adolescente que ces événements sont retracés. Les phrases sont souvent écrites de manière télégraphique, l’orthographe et la grammaire sont défaillantes en maints endroits du texte, mais son récit est riche en impressions et en descriptions sur les premiers Allemands installés à Leers.

Clémence Renaud souligne parfaitement le sentiment de lassitude qui s’empare de chacun au fil des mois avec le bruit du canon qui ne cesse de gronder nuit et jour.

Elle épouse le 6 septembre 1930, Louis Anselmet, un plieur de pièces (textile). Elle exerçait alors la profession de visiteuse de pièces de tissus. Le couple n’eut qu’un enfant, Robert Anselmet.

Clémence Renaud est décédée à l’âge de 81 ans, le 10 décembre 1983.

Son cahier a été publié à la suite de ceux de Flore Bourgois, par l’Association « Leers Historique ».