Leers est partagé en deux

1769 – Leers est partagé en deux

1769 : Par le « Traité des limites » le Roi de France, LOUIS XV et l’Impératrice d’Autriche MARIE-THERESE, se partagent le village de Leers.

Le Traité d’Aix-en-Chapelle signé le 2 Mai 1668 donnait à la France la région qui constitue à peu de choses près l’actuel département du Nord.

Le Traité de Nimègue en 1679 confirmait cette conquête.

Cependant le tracé précis de la frontière restait à définir dans une région que nul obstacle naturel (fleuve ou montagne) n’imposait aux signataires.

Il faut ajouter que les vestiges de la féodalité avaient créé de multiples enclaves d’une châtellenie à une autre et rendaient plus que complexe l’établissement de la nouvelle limite des états.

C’est la raison pour laquelle les signataires de la paix désignèrent une commission chargée de délimiter les frontières nouvelles. Le travail était ardu car l’enquête portait sur des centaines de kilomètres. De plus les litiges étaient nombreux et les « supplications » et les « remontrances » des sujets des deux royaumes ne manquaient pas. A tel point qu’il ne fallut pas moins d’un siècle pour achever le travail.

C’est en effet le 22 Août 1769 que fut signé le « Traité des Limites » entre le Roi de France Louis XV et l’Impératrice Marie-Thérèse d’Autriche car entre-temps les Pays-Bas Espagnols étaient passés par succession à l’Empire d’Autriche, tandis que Louis XV avait succédé à Louis XIV.

Les experts n’avaient pas hésité à trancher dans le vif et plusieurs communes furent coupées en deux, la nouvelle frontière passant au travers de leur territoire.

Ce fut le cas de Leers, modeste village de la Châtellenie de Lille, situé sur la route de cette ville à Audenaerde et dont 276 bonniers (1 bonnier = 1 ha, 42 a, 46 ça) furent détachés pour constituer une nouvelle entité appelée « Leers-Nord » rattachée aux Pays-Bas Autrichiens.

Voici les termes exacts des lignes du « Traité des Limites » qui la concernent :

ARTICLE 5 – Le Roi Très Chrétien cède aussi à l’Impératrice Reine 276 bonniers du terrain du village de Leers et outre, ce, la partie du chemin de Tournai à Menin qui passe par ce village de manière qu’en allant de Tournai à Menin, tout ce qui est à droite du chemin fera partie de la cession et que le surplus sera pris sur la gauche le long du même chemin.

On imagine les répercussions d’une telle décision sur la population des communes concernées. D’un trait de plume les autorités décidaient de leur appartenance à une communauté ou à une autre.

Certes, la notion de nationalité n’avait pas à cette époque l’importance que nous y attachons aujourd’hui. Il n’empêche que cette décision joue un rôle important pour les familles des villes qui furent ainsi écartelées.

Sur le plan de la recherche généalogique, les conséquences sont les suivantes : LEERS constituait une seule et unique paroisse et il faudra attendre l’année 1800 pour que la partie détachée soit dotée d’une église.

Les habitants de la partie rattachée aux Pays-Bas Autrichiens continueront à célébrer les baptêmes, mariages et funérailles dans l’église de LEERS qui se trouvait sur le territoire Français.

Un seul registre servait jusqu’en 1782 pour enregistrer les événements sans que rien ne vienne préciser de quel côté de la frontière le nouveau-né, les mariés ou le défunt vivaient.

André LEFEBVRE, premier curé de la nouvelle paroisse de Leers-Nord située sur le territoire des Pays-Bas, préoccupé par cette situation, entreprit de recopier sur un cahier certains des actes qui concernaient ses ouailles, mais ce travail, qui repose aux Archives de l’Etat à Tournai (Belgique) est manifestement incomplet.

Les registres paroissiaux versés à la commune de LEERS (France) lors de la laïcisation de l’Etat-Civil en 1792 comprennent donc les actes de baptêmes mariages et sépultures des leersois qu’ils soient français ou ressortissants des Pays-Bas Autrichiens.

Cette situation ne devait pas manquer de créer des difficultés aux habitants des deux communes.

Nous en donnons un témoignage d’après la lecture d’un document qui expose le fait suivant :

Ferdinand-Joseph DECOURCELLE né à LEERS (France) le 27 Avril 1833, fils de Pierre-Joseph DECOURCELLE, meunier de la Mottelette à Leers (France) et de Nathalie LORTHIOIR ne tenait pas à faire son service militaire en France et pour éviter le conscription obtint en 1854 le témoignage du bourgmestre de LEERS (Belgique) et des quatre habitants les plus âgés de la commune, attestant que son grand-père Pierre-Joseph DECOURCELLE était né en 1751 dans une maison construite sur la partie détachée de la commune en 1769.

Comme on le voit, les conséquences du fractionnement de Leers se traduisaient encore un siècle plus tard par des problèmes administratifs pour les habitants.

LEERS et ses bornes frontières : Autrichiennes et Républicaines

20 juin 1667 – La guerre de dévolution – (*)
Tournai est cernée par le roi Louis XIV, il y entre par la Porte de Lille. Avec une armée importante il entreprend une expédition dans les Flandres. Le roi passe à Néchin à 7 h du matin le jour de la Saint Laurent (en août), il y fait une pause puis il part assiéger Lille qui capitulera le 17 août.

1668 – Traité d’Aix-La-Chapelle qui met fin à la guerre de dévolution.

1678 – Le Traité de Nimègue confirme l’acquisition de l’Artois, la Franche Comté et quelques places fortes Flamandes. Leers est officiellement sous obédience Française avec quelques enclaves Autrichiennes.

1716 – Louis XV ordonne un inventaire des enclaves entre Warneton et le Tournaisis.

1750 – Un mémoire est commandé par Louis XV en vue de la préparation d’une frontière et un alignement supprimant les enclaves entre le Luxembourg et Calais. La carte des frontières sera réalisée en 1773.

16 mai 1769 – Le Traité des Limites à Versailles. Une convention de 39 articles est signée par le Duc de Choiseul représentant Louis XV et le Comte de Mercy-Argenteau représentant l’impératrice Marie-Thérése, reine de Hongrie, empire d’Autriche. Le 1er article stipule  » Pour faire cesser les difficultés qui sont élevées à cause des enclaves . . . (L’enjeu sur Leers était de 124 bonniers) 290 parcelles de Leers Tournaisis sont cédées à la France  » dont 77 familles. Tout Leers appartient alors à la France. Le Clergé lui, reste sous la dépendance de l’évêque de Tournai.

Janvier 1770 – Des complications – La route de Menin-Tournai passe dans le Comté de la Motterie au lieu-dit Belva. Les habitants des communes environnantes posent des réclamations car ils doivent payer des taxes lors de leur déplacements. Dans le même temps, pour aligner sa frontière, Marie-Thérése d’Autriche qui avait des terres en France d’une valeur de 276 bonniers (**) procède à des échanges. Il fut décidé de les reprendre sur Leers.

18 Novembre 1779 – Une nouvelle convention est signée à Bruxelles après 10 ans de négociations par le Comte Jean Balthazar d’Adhémar de Montfalcom représentant Louis XVI et le Comte de Neny représentant L’impératrice d’Autriche aux Pays-Bas. Leers est coupée en deux ainsi que la paroisse Saint Vaast

Résultat : existence de paroissiens Autrichiens et Français avec un seul registre paroissial. Une seule paroisse qui dépend de Tournai. Cette division du territoire intègre Leers-Nord réuni au Tournaisis et aux Pays-Bas Autrichiens. Leers-sud reste à la Châtellenie de Lille et à la France. 22 bornes sont prévues pour définir les limites.

3 Juin 1780 – Charles Alexandre de Calonne chevalier commissaire de Louis XVI vient à Leers pour délier de leur serment de fidélité au roi de France les habitants. Par le fait de cet échange, ils deviennent sujets de l’Impératrice Marie-Thérése. Avec l’échange des 276 bonniers et la partie du chemin de Tournai à Menin, tout ce qui est à droite du dit chemin fera partie de la cession et le surplus sera pris à gauche, le long du même chemin. Ont signé :  » A. Dubus Bailly du Comté de la Motterie, Jacques Watteau Echevin de la Motterie, François Doutreligne habitant du dit lieu. Les autres habitants du dit Comté ne sachant écrire, j’ai signé pour eux, De Calonne et Mulle Bailly du village de Leers « 

Surprise et mécontentement des habitants du village : à cause des impôts qui ont plus que doublé sous la domination de sa Majesté Marie-Thérése et le fait d’être rejetés dans les Pays-Bas.

25 juin 1780 : Les Leersois font une requête auprès du roi de France. Ils souhaitent rester dans la première convention et proposent de donner le passage aux habitants d’Estaimpuis, de Mouscron et de Menin en rétrocédant le Comté de la Motterie et le chemin Belva. Ont signé :  » J.B Spriet Echevin, meunier et fermier à Leers, J.J Lefebvre Echevin à Leers, les fermiers C.Fr Florquin, D.J Hespel, J.B Florquin, P.J Defrenne, J.B Favier, Doutreligne, Truffaut, le fabricant d’huiles et fermier P.J Lezy, le meunier et fermier P.J de Courcelles, les laboureurs A. Carée et Florquin « 

21 décembre 1780 : Les géomètres Gombert et Wallez arpentent les terres de Leers et déterminent les limites de la portion concédée à l’Autriche pour former la commune de Leers-Nord, depuis le point appelé  » la planche de la Haverie  » au-dessus de l’Espierre à l’extrémité d’un sentier sera placée la première borne, jusqu’à la 22ème et dernière borne qui sera placée à l’entrée de Néchin. Lettre de la Maréchaussée : Les opérations de bornage sont remises à plusieurs reprises à cause de l’attitude menaçante de la population.

Conséquence du partage : Le Chemin des Morts

Le Traité des Limites de 1780 conclu entre la France et les Pays-Bas autrichiens a permis de rectifier la frontière entre les deux pays.

Ainsi le village de Leers a vu sa partie sud avec l’église Saint Vaast restée française tandis que la partie nord a été rétrocédée aux Pays-Bas autrichiens et a pris le nom de Leers-Nord.

Ce partage n’a rien changé à la situation du curé de Leers. L’abbé Cosse se contenta d’inscrire sur deux registres séparés les sujets de l’empereur d’Autriche pour Leers-Nord, et les sujets du roi Louis XVI, roi de France pour ceux de Leers-Sud. Les nouveau-nés furent tous présentés à l’église de Leers-France, et les morts y étaient apportés par un chemin qui a conservé le nom de “Chemin des morts”.

Sur le plan ci-dessus nous avons superposé le plan cadastral de Leers de 1891 sur les plans de Leers et Leers-Nord actuels, afin de bien matérialiser le Chemin des Morts.

Ce chemin partait de la place actuelle de Leers-Nord, emprunté le chemin de la Croix Bazulante, puis le chemin Courage pour aboutir au choeur de l’église de Leers-France

L’urbanisation et les travaux agricoles ont presque détruit le Chemin des Morts, mais nous pouvons cependant retracer le trajet.

De la place de l’église de Leers-Nord le trajet est donc : La rue des Longs-Trieux à Leers-Nord puis sur une dizaine de mètres le chemin est encore visible puis nous devons imaginer le chemin aujourd’hui disparu jusqu’à la rue Aurèle Guénard à Leers à la hauteur de la rue de Jüchen. Le trajet de cet ancien chemin continu rue Aurèle Guénard puis rue Léon Gambetta pour aboutir à l’église Saint Vaast de Leers.