La borne frontalière est située à l’angle de la rue Aurèle Guenard et la rue de la Reine Elisabeth (Leers-Nord).
Cette borne est une borne frontalière datant de 1819.
Des inscriptions sont gravées sur trois cotés : 1819, F désigne la France et N désigne la Belgique (Nederland) à l’époque rattachée aux Pays Bas (1815-1830).

LEERS et ses bornes frontières : Autrichiennes et Républicaines
20 juin 1667 – La guerre de dévolution – (*)
Tournai est cernée par le roi Louis XIV, il y entre par la Porte de Lille.
Avec une armée importante il entreprend une expédition dans les Flandres.
Le roi passe à Néchin à 7 h du matin le jour de la Saint Laurent (en août), il y fait une pause puis il part assiéger Lille qui capitulera le 17 août.
1668 – Traité d’Aix-La-Chapelle qui met fin à la guerre de dévolution.
1678 – Le Traité de Nimègue confirme l’acquisition de l’Artois, la Franche Comté et quelques places fortes Flamandes.
Leers est officiellement sous obédience Française avec quelques enclaves Autrichiennes.
1716 – Louis XV ordonne un inventaire des enclaves entre Warneton et le Tournaisis.
1750 – Un mémoire est commandé par Louis XV en vue de la préparation d’une frontière et un alignement supprimant les enclaves entre le Luxembourg et Calais.
La carte des frontières sera réalisée en 1773.
16 mai 1769 – Le Traité des Limites à Versailles. Une convention de 39 articles est signée par le Duc de Choiseul représentant Louis XV et le Comte de Mercy-Argenteau représentant l’impératrice Marie-Thérése, reine de Hongrie, empire d’Autriche.
Le 1er article stipule « Pour faire cesser les difficultés qui sont élevées à cause des enclaves . . . (L’enjeu sur Leers était de 124 bonniers) 290 parcelles de Leers Tournaisis sont cédées à la France » dont 77 familles. Tout Leers appartient alors à la France.
Le Clergé lui, reste sous la dépendance de l’évêque de Tournai.
Janvier 1770 – Des complications – La route de Menin-Tournai passe dans le Comté de la Motterie au lieu-dit Belva. Les habitants des communes environnantes posent des réclamations car ils doivent payer des taxes lors de leur déplacements.
Dans le même temps, pour aligner sa frontière, Marie-Thérése d’Autriche qui avait des terres en France d’une valeur de 276 bonniers (**) procède à des échanges.
Il fut décidé de les reprendre sur Leers.
18 Novembre 1779 – Une nouvelle convention est signée à Bruxelles après 10 ans de négociations par le Comte Jean Balthazar d’Adhémar de Montfalcom représentant Louis XVI et le Comte de Neny représentant L’impératrice d’Autriche aux Pays-Bas.
Leers est coupée en deux ainsi que la paroisse Saint Vaast
Résultat : existence de paroissiens Autrichiens et Français avec un seul registre paroissial.
Une seule paroisse qui dépend de Tournai.
Cette division du territoire intègre Leers-Nord réuni au Tournaisis et aux Pays-Bas Autrichiens.
Leers-sud reste à la Châtellenie de Lille et à la France.
22 bornes sont prévues pour définir les limites.
3 Juin 1780 – Charles Alexandre de Calonne chevalier commissaire de Louis XVI vient à Leers pour délier de leur serment de fidélité au roi de France les habitants. Par le fait de cet échange, ils deviennent sujets de l’Impératrice Marie-Thérése.
Avec l’échange des 276 bonniers et la partie du chemin de Tournai à Menin, tout ce qui est à droite du dit chemin fera partie de la cession et le surplus sera pris à gauche, le long du même chemin.
Ont signé : « A. Dubus Bailly du Comté de la Motterie, Jacques Watteau Echevin de la Motterie, François Doutreligne habitant du dit lieu. Les autres habitants du dit Comté ne sachant écrire, j’ai signé pour eux, De Calonne et Mulle Bailly du village de Leers »
Surprise et mécontentement des habitants du village : à cause des impôts qui ont plus que doublé sous la domination de sa Majesté Marie-Thérése et le fait d’être rejetés dans les Pays-Bas.
25 juin 1780 : Les Leersois font une requête auprès du roi de France. Ils souhaitent rester dans la première convention et proposent de donner le passage aux habitants d’Estaimpuis, de Mouscron et de Menin en rétrocédant le Comté de la Motterie et le chemin Belva.
Ont signé : « J.B Spriet Echevin, meunier et fermier à Leers, J.J Lefebvre Echevin à Leers, les fermiers C.Fr Florquin, D.J Hespel, J.B Florquin, P.J Defrenne, J.B Favier, Doutreligne, Truffaut, le fabricant d’huiles et fermier P.J Lezy, le meunier et fermier P.J de Courcelles, les laboureurs A. Carée et Florquin »
21 décembre 1780 : Les géomètres Gombert et Wallez arpentent les terres de Leers et déterminent les limites de la portion concédée à l’Autriche pour former la commune de Leers-Nord, depuis le point appelé « la planche de la Haverie » au-dessus de l’Espierre à l’extrémité d’un sentier sera placée la première borne, jusqu’à la 22ème et dernière borne qui sera placée à l’entrée de Néchin.
Lettre de la Maréchaussée : Les opérations de bornage sont remises à plusieurs reprises à cause de l’attitude menaçante de la population.
13 & 21 janvier 1781 : A l’issue des messes paroissiales, les états du baillage sont publiés par le Clerc P.J Millez.
8 février 1781 : signature de la 2ème convention pour régler les problèmes relatifs à la frontière par rapport à la convention de 1769.
Article V : Le roi très chrétien cède à l’Impératrice-Reine 276 bonniers de terrain du village de Leers et outre cela, la partie du chemin de Tournai à Menin qui passe dans ce village.
La partie Autrichienne s’appelle Leers-Nord
La partie Française s’appelle Leers-Sud : 348 bonniers.
Ont signé : P.F Mulle Bailly du village de Leers des seigneuries d’Hasnon, la Hawel, Saint-Obin, Quevaucamp, du Quint et du fievelet des Wattines, J.B Spriet Echevin, J.J Lefebvre Echevin, D.J Hespel Bailli d’Elbecq et d’Empire, P.J Defrenne, P.J de Courcelles, P.J Lezy, De Calonne.
1er janvier 1782 : L’Empereur d’Autriche Joseph II ordonne d’inscrire les sujets de Leers-Nord sur des registres distincts. Les registres d’archives de Leers-Nord datent de la mise en service de ce décret.
Jusqu’ alors, les actes étaient enregistrés à Leers-Sud au siège de la paroisse par le curé Michel Cosse.
1790 : L’administration civile de Leers-Nord et de Leers-Sud ne fut rendue possible que par un décret de cette date.
Jusqu’à cette époque, malgré la séparation de 1779, les assemblées des gens de loi des deux communes se sont toujours réunies ensemble dans la même salle de séances à côté de l’église et, sous la présidence de Pierre François Joseph Mulle notaire et Bailli des 2 Leers car tout le pays restait sous la dépendance de l’abbé d’Hasnon « seigneur du Pays, patron de la cure et Gros Décimateur (***) » et cela jusqu’en 1789.
3 juin 1792 : Les armées de la République Française envahissent les Pays-Bas et ramènent Leers-Nord qui devient commune du département de Jemmapes arrondissement de Tournai et canton de Templeuve.
17 février 1814 : L’Europe coalisée contre la France de Napoléon investit la ville de tournai.
Leers-Nord rentre dans la province du Hainaut, district de Tournai.
1815 : Les pays limitrophes imaginent ( pour se protéger) la constitution d’un pays plus important réunissant la Belgique et la Hollande sous le nom de Pays-Bas.
1819 : Louis XVIII met en place un traité de délimitation entre les Pays-Bas et la France. On enlève à Leers les bornes de 1780 qui sont remplacées par celles de 1819.
1831 : Après une insurrection, l’indépendance de la Belgique est proclamée avec la frontière telle qu’on la connaît aujourd’hui.
24 janvier 1936 : La commission Historique du Département du Nord demande au Maire de Leers de faire nettoyer cette borne frontière de Leers à l’angle de la Place et de la rue Jean Jaurès et portant sur l’une des faces l’aigle bicéphale d’Autriche.
« Cette pierre offre un intérêt historique. Peut être votre administration pourrait-elle solliciter le classement de la borne frontière comme monument historique, ce qui la mettrait sous la protection de l’état . . . »
Depuis 2008 : sont visibles au musée de Leers :
– Une borne Autrichienne de 1780
– Une borne Républicaine de 1819

(*) Le « droit de dévolution » est une coutume du Brabant qui, dans les successions privées, donne la priorité aux enfants (même filles) nés du premier lit sur les enfants (même garçons) nés du second lit. Louis XIV exigea pour sa femme Marie-Thérése d’Autriche fille du roi d’Espagne Philippe IV, les provinces que les Espagnols possédaient au Nord de la France. (Le nouveau roi d’Espagne Charles II étant né d’un second lit). Ces revendications furent un prétexte pour déclencher la guerre de dévolution.
(**) Le bonnier est une mesure agraire de 1,2 à 1,4 hectare (variable suivant les régions)
(***) Le « gros décimateur » était celui qui avait le droit de lever la dîme (impôt en nature prélevé par l’église sur les productions agricoles)